Lillian et Dorothy Gish débutent au cinéma en 1912, recommandées par Mary Pickford, déjà vedette, à son réalis
ateur D.W. Griffith, s'exposant ainsi au déshonneur dans le milieu théâtral. Les s½urs demeurent ensuite dans l'équipe du cinéaste. Lillian montre dans chaque film où elle apparaît ses talents d'actrice.
C'est alors l'ère des directeurs de films américains, inaugurée par Griffith et une poignée d'autres. Ceux-ci, en auteurs complets, gèrent leurs tournages comme les directeurs de théâtre itinérant de l'époque, suivant de près les éléments de la production (décors, costumes, scénario et acteurs...). Si la paye est meilleure que pour les planches, la vedette d'un jour devient figurante le lendemain et le nom des interprètes n'apparaît pas encore au générique. Le nom du metteur en scène, en revanche, est indiqué. La cohésion de ces troupes est telle que lorsque Griffith change de studio, ses collaborateurs le suivent pour la plupart.
C'est pour Lillian et les autres pionniers du cinéma américain une époque merveilleuse de formation et de création, sans star-system ni contrainte financière excessive. Gish, Blanche Sweet, Mae Marsh entre autres se partagent les rôles féminins. Les futures personnalités d'Hollywood se forment sur les tournages : Mack Sennett, W. S. Van Dyke, Raoul Walsh, Elmo Lincoln (futur Tarzan)... Bientôt survient le séisme de Naissance d'une nation, le film qui a transformé Hollywood en industrie, où elle est Elsie Stoneman, jeune fille sudiste enlevée par des esclaves affranchis. C'est elle qui berce le bébé entre chaque épisode du monumental Intolérance, incarnant la mère de l'humanité. Parmi les chefs-d'½uvre qui suivent, on peut citer Le Lys brisé, À travers l'orage ou Les Deux Orphelines...
Tragédienne juvénile, héroïne pure et courageuse, Lillian devient grâce aux mélodrames flambloyants du maître la Duse de l'écran. Cependant la rumeur vivace qui attribue à Griffith l'invention du gros plan en l'honneur de sa muse est fausse. Durant cette période bénie de liberté et d'enthousiasme, Gish recommande son ami Rudolph Valentino à Griffith mais ce dernier rejette le conseil et laisse à d'autres le soin de couronner l'amant du monde. La comédienne dirige même un film, Remodeling Your Husband, avec sa s½ur Dorothy comme interprète, en 1920.

Lillian Gish en couverture de la revue Photoplay de décembre 1921
Le développement des studios et du star system relègue progressivement les réalisateurs au second plan. Une nouvelle génération s'impose. Miss Lillian et Mr. Griffith rompent leur collaboration artistique : son mentor conseille à l'actrice de diversifier sa carrière tandis qu'il entame un lent et pénible déclin. Pour la compagnie Inspiration, Gish joue avec succès une religieuse dans S½ur Blanche et une dame de la Renaissance italienne dans Romola, les deux signés Henry King - Lillian Gish et le réalisateur Henry King choisissent le britannique Ronald Colman, alors inconnu, pour le rôle masculin principal. Ses producteurs refusent ensuite son projet d'adaptation de Romeo et Juliette tournée à Vérone même, sous prétexte que le nom de Shakespeare fait fuir les Américains.
Elle accepte les propositions royales de la MGM et de son patron Louis B. Mayer, qui s'est enrichi grâce aux droits d'exploitation de Naissance d'une nation. Elle devient la première star de la firme, libre de choisir ses sujets, ses metteurs en scène et ses partenaires. Elle inaugure ce nouvel engagement en jouant le rôle de Mimi dans La Bohème de King Vidor. Malgré le succès et la qualité de cette production, la MGM entame discrètement une campagne de presse destinée à détruire la carrière de sa coûteuse et indépendante vedette. Louise Brooks a parfaitement raconté la chose : opposée à John Gilbert, nouveau jeune premier (et amoureux de sa partenaire tout comme le réalisateur King Vidor), dans La Bohème, une certaine presse, commanditée par Mayer, insinue que le bouillant débutant vieillit le jeu de Gish. La même presse compare la pure Lillian à Barbara La Marr (pour laquelle Louis Mayer éprouvait un profond penchant), juste promue vamp du studio, en Milady dans Les Trois Mousquetaires. Là encore la comparaison tourne au désavantage de la grande Lillian, que l'on s'ingénie à enterrer vivante.
Lillian Gish réussit encore à monter et jouer deux chefs d'½uvres réalisés par le suédois Victor Sjöström, La Lettre écarlate d'après Nathaniel Hawthorne (rôle repris par Demi Moore dans Les Amants du nouveau monde) et le merveilleux Le Vent dont la sortie sera sabordée. Il faudra que la mère de Gish, malade, réclame la présence de sa fille pour que la MGM lui propose un nouveau film. Mais ce sera un navet, qu'elle ne pourra refuser de tourner à son retour, tout étant prêt pour démarrer. Après l'actrice jette l'éponge : son contrat est rompu et Mayer la remplace dans Anna Karénine par Greta Garbo, une actrice de vingt ans ne maîtrisant pas l'anglais. Gish n'avait que trente ans lorsque son propre studio la représentait vieille, laide et triste auprès du public manipulé. Tandis que, selon les publicitaires de la MGM, Garbo et Gilbert formaient « le couple du siècle »... Louis Mayer est persuadé de garder à sa botte la belle étrangère mais quelques années suffiront à Garbo pour obtenir les mêmes avantages que Gish. Lillian Gish était d'ailleurs, avec Eleonora Duse, un des modèles artistiques de Garbo. De la même façon qu'il a évincé Gish, la (nouvelle) Duse, Mayer évincera Garbo, la divine, en la poussant vers une retraite précoce à trente-six ans.
ateur D.W. Griffith, s'exposant ainsi au déshonneur dans le milieu théâtral. Les s½urs demeurent ensuite dans l'équipe du cinéaste. Lillian montre dans chaque film où elle apparaît ses talents d'actrice.
C'est alors l'ère des directeurs de films américains, inaugurée par Griffith et une poignée d'autres. Ceux-ci, en auteurs complets, gèrent leurs tournages comme les directeurs de théâtre itinérant de l'époque, suivant de près les éléments de la production (décors, costumes, scénario et acteurs...). Si la paye est meilleure que pour les planches, la vedette d'un jour devient figurante le lendemain et le nom des interprètes n'apparaît pas encore au générique. Le nom du metteur en scène, en revanche, est indiqué. La cohésion de ces troupes est telle que lorsque Griffith change de studio, ses collaborateurs le suivent pour la plupart.
C'est pour Lillian et les autres pionniers du cinéma américain une époque merveilleuse de formation et de création, sans star-system ni contrainte financière excessive. Gish, Blanche Sweet, Mae Marsh entre autres se partagent les rôles féminins. Les futures personnalités d'Hollywood se forment sur les tournages : Mack Sennett, W. S. Van Dyke, Raoul Walsh, Elmo Lincoln (futur Tarzan)... Bientôt survient le séisme de Naissance d'une nation, le film qui a transformé Hollywood en industrie, où elle est Elsie Stoneman, jeune fille sudiste enlevée par des esclaves affranchis. C'est elle qui berce le bébé entre chaque épisode du monumental Intolérance, incarnant la mère de l'humanité. Parmi les chefs-d'½uvre qui suivent, on peut citer Le Lys brisé, À travers l'orage ou Les Deux Orphelines...
Tragédienne juvénile, héroïne pure et courageuse, Lillian devient grâce aux mélodrames flambloyants du maître la Duse de l'écran. Cependant la rumeur vivace qui attribue à Griffith l'invention du gros plan en l'honneur de sa muse est fausse. Durant cette période bénie de liberté et d'enthousiasme, Gish recommande son ami Rudolph Valentino à Griffith mais ce dernier rejette le conseil et laisse à d'autres le soin de couronner l'amant du monde. La comédienne dirige même un film, Remodeling Your Husband, avec sa s½ur Dorothy comme interprète, en 1920.

Lillian Gish en couverture de la revue Photoplay de décembre 1921
Le développement des studios et du star system relègue progressivement les réalisateurs au second plan. Une nouvelle génération s'impose. Miss Lillian et Mr. Griffith rompent leur collaboration artistique : son mentor conseille à l'actrice de diversifier sa carrière tandis qu'il entame un lent et pénible déclin. Pour la compagnie Inspiration, Gish joue avec succès une religieuse dans S½ur Blanche et une dame de la Renaissance italienne dans Romola, les deux signés Henry King - Lillian Gish et le réalisateur Henry King choisissent le britannique Ronald Colman, alors inconnu, pour le rôle masculin principal. Ses producteurs refusent ensuite son projet d'adaptation de Romeo et Juliette tournée à Vérone même, sous prétexte que le nom de Shakespeare fait fuir les Américains.
Elle accepte les propositions royales de la MGM et de son patron Louis B. Mayer, qui s'est enrichi grâce aux droits d'exploitation de Naissance d'une nation. Elle devient la première star de la firme, libre de choisir ses sujets, ses metteurs en scène et ses partenaires. Elle inaugure ce nouvel engagement en jouant le rôle de Mimi dans La Bohème de King Vidor. Malgré le succès et la qualité de cette production, la MGM entame discrètement une campagne de presse destinée à détruire la carrière de sa coûteuse et indépendante vedette. Louise Brooks a parfaitement raconté la chose : opposée à John Gilbert, nouveau jeune premier (et amoureux de sa partenaire tout comme le réalisateur King Vidor), dans La Bohème, une certaine presse, commanditée par Mayer, insinue que le bouillant débutant vieillit le jeu de Gish. La même presse compare la pure Lillian à Barbara La Marr (pour laquelle Louis Mayer éprouvait un profond penchant), juste promue vamp du studio, en Milady dans Les Trois Mousquetaires. Là encore la comparaison tourne au désavantage de la grande Lillian, que l'on s'ingénie à enterrer vivante.
Lillian Gish réussit encore à monter et jouer deux chefs d'½uvres réalisés par le suédois Victor Sjöström, La Lettre écarlate d'après Nathaniel Hawthorne (rôle repris par Demi Moore dans Les Amants du nouveau monde) et le merveilleux Le Vent dont la sortie sera sabordée. Il faudra que la mère de Gish, malade, réclame la présence de sa fille pour que la MGM lui propose un nouveau film. Mais ce sera un navet, qu'elle ne pourra refuser de tourner à son retour, tout étant prêt pour démarrer. Après l'actrice jette l'éponge : son contrat est rompu et Mayer la remplace dans Anna Karénine par Greta Garbo, une actrice de vingt ans ne maîtrisant pas l'anglais. Gish n'avait que trente ans lorsque son propre studio la représentait vieille, laide et triste auprès du public manipulé. Tandis que, selon les publicitaires de la MGM, Garbo et Gilbert formaient « le couple du siècle »... Louis Mayer est persuadé de garder à sa botte la belle étrangère mais quelques années suffiront à Garbo pour obtenir les mêmes avantages que Gish. Lillian Gish était d'ailleurs, avec Eleonora Duse, un des modèles artistiques de Garbo. De la même façon qu'il a évincé Gish, la (nouvelle) Duse, Mayer évincera Garbo, la divine, en la poussant vers une retraite précoce à trente-six ans.