Un portrait par Bouguereau de Madame Olry-Roederer fut acquis en mars 2005 pour 137 000 € par la société Roderer. Le petit-fils du modèle et administrateur de cette célèbre maison de champagne fut assez surpris de revoir, dans la salle d'administration, le portrait de sa grand-mère qui, suite à un incendie, avait été détruit à 80% et qu'il avait donné à un restaurateur. Le tableau Nymphes et Satyre (Sterling and Francine Clark Art Institute, Williamstown, Massachusetts, Etats-Unis) a une histoire riche en rebondissements. Il a appartenu à Edward S. Stockes, l'assasin de Jim Fisk, directeur des finances de la compagnie des chemins de fer du Erié Railroad, qui était l'associé de Jay Gould, ami intime de « Boss Tweed », principal responsable de la panique du Black Friday de 1869 et ex-associé de Stockes. Malgré les querelles d'associés, le véritable mobile du crime était Helen Joséphine Mansfield, femme fatale qui accorda ses faveurs à Stockes après avoir été la maîtresse de Fisk. Cette conduite volage en avait fait la victime d'un chantage. Stockes, son sauveur, est d'abord condamné à être pendu pour son crime mais, grâce à l'intervention de Grover Cleveland, il ne passe que quatre ans de détention à Sing-Sing. Lorsqu'il sort de prison, Stockes s'associe à un des propriétaires du Comstock Lode au Nevada et prend le controle de l'hôtel Hoffman House à New York. Stockes achète Nymphes et Satyre à la vente Wolfe et donne au tableau la place d'honneur sous un dais de velours rouge dans le bar de l'hôtel où la toile reste accrochée vingt ans. Cette idée lance la vogue, en Amérique, du « nu de bar » et le Palmer House de Chicago ainsi que le Palace Hotel de San Francisco sont les premiers à le suivre. Lorsque Stockes meurt en 1901, les œuvres sont vendues à un collectionneur particulier et les Nymphes disparaissent pendant quarante ans. Les rumeurs les plus folles se mettent à circuler à leur sujet et on essaye plusieurs fois de les retrouver, mais en vain. En 1942, Herbert H. Elfers, directeur de la Galerie Durand-Ruel de New York, se rend dans un entrepôt pour vérifier l'état de quelques tableaux de Renoir et de Degas entreposés là. Il retrouve dans l'obscurité la toile oubliée depuis longtemps, l'achète sur le champ et la revend presque immédiatement. Les dossiers de l'entrepôt révèlent que le dernier propriétaire avait enfermé ce tableau dont sa femme ne voulait pas. Elfers le vend à Robert Sterling Clark après l'avoir exposé à la Galerie Durand Ruel de New York, exposition destinée à recueillir des fonds pour le Comité de soutien à la France combattante. La popularité du tableau fut telle qu'on le reproduisit sur énormément d'objets : carreaux de céramique (salle de bains de la John Brown House à Providence, Rhode Island), assiettes de porcelaine Royal Vienna, boites de cigares (le peintre de natures mortes américain W.T. Robinson rend hommage au tableau de Bouguereau en plaçant une boîte de cigares sur laquelle apparait Nymphes et satyre dans un de ses tableaux. De Tammany Hall au Colonel Joe Gin Rickey, en passant par Buffalo Bill Cody, tout le monde veut acheter la fameux tableau admiré au bar de l'hôtel Hoffman House.
