
Jours de France voit apparaître les créatures sophistiquées de Kiraz — chaque semaine dans un décor nouveau : Parisiennes au bureau, Parisiennes au volant, Parisiennes en vacances... Ces nunuches filiformes, aux jambes démesurées, commencent par déconcerter. Puis elles séduisent. Écervelées, acidulées, pimpantes, sexy, elles proposent « une vision de la futilité française que seul un ½il étranger pouvait capter ».
« Tout en ces filles élancées semblait défier la pesanteur », relève le peintre et essayiste Ange-Henri Pieraggi. Les yeux en amande, les lignes fluides, un trait stylisé de beaucoup de classe, les reflets de la mode, l'univers des beaux quartiers, le détail fashion, une aisance à interpréter l'air du temps, un humour très personnel imposent Kiraz comme un dessinateur complètement hors normes, et lui valent un grand succès. « Indépendantes, se souvient Carla Bruni, frivoles, infidèles mais traditionnelles, naïves mais aussi malignes, calculatrices mais spontanées, c'étaient les Parisiennes [...] Les Parisiennes sont les Parisiennes, légères et intemporelles, et je souhaite bien du courage à leurs futurs maris. »

Le 26 décembre 1964, dans le numéro 528, apparaît sur toute une page, en plus des deux pages noir et blanc, un grand dessin couleur : le premier « Kiraz-color ». « Cette page phare était le rendez-vous hebdomadaire de nombreux lecteurs », rappelle Olivier Dassault. Un Kiraz-color n'est pas un dessin « mis en couleur », mais une exigeante composition tonale où Kiraz, qui semble ne travailler que par plaisir, peut s'adonner à sa passion première de la peinture. La légende humoristique vient souvent en dernier, vers seize heures moins cinq, lorsque l'artiste « paniqué » reconnaît dans l'escalier le pas du coursier de Jours de France.
« Kiraz captait, dit Christian Lacroix, semaine après semaine, l'essence de la mode, d'une manière qui était celle d'un couturier. » Et le fait est que l'élégance des Parisiennes va inspirer plus d'un créateur. Le style de grands couturiers, celui de pionniers du prêt-à-porter (le New Look de Dior, Chanel, Courrèges, Cardin, Lacroix, Scherrer) trouvent une nouvelle impulsion dans les dessins de Kiraz. Modestement, Kiraz prétend s'inspirer lui-même de silhouettes aperçues dans la rue, de ces terrasses de café où il aime s'installer pour écouter et observer :
« Les Parisiennes seules m'apportent un spectacle complet, une source d'énergie. Elle courent, elles bougent... Après quoi courent-elles ? [...] À Paris seulement je trouve cette énergie et cette clarté, ou cette apparence de clarté. Parce que, bien sûr, je n'en sais pas plus... Je m'arrête avant d'en connaître davantage. »
De 1959 à 1987, Kiraz publie dans Jours de France près de 25 000 dessins (jamais un dessin n'a été refusé3). Quelques mois après la mort de Marcel Dassault, il arrête sa collaboration à Jours de France (no 1672, du 31 janvier 1987). L'hebdomadaire cesse de paraître, deux ans plus tard.
floflo275, Posté le dimanche 24 mars 2013 09:25
Gamine,j'adorais ces dessins....