Représenter un espace en trois dimensions
En fait on ne représente qu'un cône d'espace, un demi-espace (au maximum si l'ouverture d'angle est de 180° dans la perspective curviligne), car tout ce qui est derrière le peintre est ignoré. Les seuls rayons lumineux qui sont pris en compte viennent de devant, on ne se permet pas d'y superposer les images qui viendraient de l'arrière, sauf par l'artifice d'inclure dans le décor des miroirs réfléchissant cet arrière-plan.
Le ciel devient profane
Auparavant, le fond n'était pas un ciel, c'était souvent un aplat vertical doré, on n'avait pas besoin de technique de perspective pour cette surface. Il représentait l'espace sacré, divin, les personnages étaient surtout des saints, Dieu, le roi de droit divin. À la Renaissance les cieux deviennent bleus, avec ou sans dégradé atmosphérique, avec ou sans nuages, verticaux comme un fond de théâtre ou horizontaux comme un haut plafond. Il s'agit d'un espace réel, humain, redécouvert par les humains, profane pour le moins.
L'être humain au centre de l'univers
À la Renaissance l'être humain (et non pas Dieu) est placé au centre de l'univers, ce que l'on traduit en première lecture par le peintre (son ½il) est au centre du tableau. C'est un raccourci. Car ce qui est au centre du tableau est la projection de l'½il. Sur le centre de la peinture, il s'agit souvent d'un monument, d'un personnage profane, d'un personnage religieux (est-ce Jésus dans les Noces de Cana de Véronèse ?). Quelquefois le personnage central regarde ailleurs, quelquefois il regarde le peintre ou le spectateur droit dans les yeux. Mais il est vrai que ce n'est plus Dieu qui est majoritairement au centre du tableau. D'où une nouvelle énigme de la perspective, s'il n'y avait ni Dieu ni personnage ni bâtiment, qu'y aurait-il ? Le point central à l'infini, concept en cours d'élucidation.
La question de l'infini

Le bateau dans le point de fuite central
Ulysse remet Chryséis à son père de Claude Gellée (~1644), musée du Louvre, Paris
Cette énorme question reste longtemps suspendue dans l'hésitation. Il est certain que la Renaissance a bien compris les règles de représentation du sol pavé, carrelé régulièrement avec la règle de décroissance des intervalles. La construction d'Alberti donne, sur le bord du tableau, l'abaque de dessin du raccourci des carreaux au fur et à mesure qu'on s'éloigne du peintre.
Mais en général on se garde bien de prolonger le sol jusqu'à l'infini, jusqu'au point où toutes les fuyantes perpendiculaires au tableau convergeraient, qui d'ailleurs est le projeté de l'½il du peintre. On risquait de retomber sur deux contradictions, d'une part l'½il du peintre est à distance finie du tableau et ce même point serait à distance infinie de l'autre côté, d'où dissymétrie flagrante ; d'autre part on élimine le Divin du centre de l'univers et on le remplacerait par une nouvelle Transcendance, l'infini. D'ailleurs à la Renaissance, les peintres comme les savants ne se risquaient pas à affirmer que l'univers avait une taille infinie (on sait maintenant qu'il est en perpétuelle croissance) ; le peintre est en droit d'hésiter à remplacer Dieu par un concept peut-être physiquement faux.
Fort opportunément le plus souvent le rayon visuel de l'infini du carrelage est arrêté en cours de route par un personnage, un mur, une montagne, un bâtiment. Si la porte du bâtiment s'ouvre, le rayon visuel avance un peu mais cogne contre la paroi du fond du bâtiment. Plus tard on pourra remplacer le bâtiment par un arc de triomphe, une route continuera après l'arc, on pourra même placer deux arcs successifs, le second étant représenté dans le vide du premier, la route continuera imperturbablement, ses deux bords pourraient se rejoindre au centre du tableau, que faire ? Mais a-t-on vu une route aller jusqu'à l'infini ? À la rigueur on arrivera au bord de la mer, l'entité qui va aussi loin qu'on veut sera le plan de la mer qui, si la Terre est plate ou sphérique se traduira par la « droite d'horizon » sur le tableau, on esquivera le mystère de la figuration du point central à l'infini en représentant une frontière horizontale centrale qui délimite deux zones de couleurs peintes, la zone d'eau et celle de ciel.
Bien après la Renaissance, il reste l'artifice de placer un navire providentiel sur le point central, comme Claude Gellée qui y recourt dans Ulysse remet Chryséis à son père (v. 1644), ou d'y placer un soleil dans un halo éblouissant, ou encore, une brume où ciel et eau se mélangent, voir Pèlerinage à l'île de Cythère.
En fait on ne représente qu'un cône d'espace, un demi-espace (au maximum si l'ouverture d'angle est de 180° dans la perspective curviligne), car tout ce qui est derrière le peintre est ignoré. Les seuls rayons lumineux qui sont pris en compte viennent de devant, on ne se permet pas d'y superposer les images qui viendraient de l'arrière, sauf par l'artifice d'inclure dans le décor des miroirs réfléchissant cet arrière-plan.
Le ciel devient profane
Auparavant, le fond n'était pas un ciel, c'était souvent un aplat vertical doré, on n'avait pas besoin de technique de perspective pour cette surface. Il représentait l'espace sacré, divin, les personnages étaient surtout des saints, Dieu, le roi de droit divin. À la Renaissance les cieux deviennent bleus, avec ou sans dégradé atmosphérique, avec ou sans nuages, verticaux comme un fond de théâtre ou horizontaux comme un haut plafond. Il s'agit d'un espace réel, humain, redécouvert par les humains, profane pour le moins.
L'être humain au centre de l'univers
À la Renaissance l'être humain (et non pas Dieu) est placé au centre de l'univers, ce que l'on traduit en première lecture par le peintre (son ½il) est au centre du tableau. C'est un raccourci. Car ce qui est au centre du tableau est la projection de l'½il. Sur le centre de la peinture, il s'agit souvent d'un monument, d'un personnage profane, d'un personnage religieux (est-ce Jésus dans les Noces de Cana de Véronèse ?). Quelquefois le personnage central regarde ailleurs, quelquefois il regarde le peintre ou le spectateur droit dans les yeux. Mais il est vrai que ce n'est plus Dieu qui est majoritairement au centre du tableau. D'où une nouvelle énigme de la perspective, s'il n'y avait ni Dieu ni personnage ni bâtiment, qu'y aurait-il ? Le point central à l'infini, concept en cours d'élucidation.
La question de l'infini

Le bateau dans le point de fuite central
Ulysse remet Chryséis à son père de Claude Gellée (~1644), musée du Louvre, Paris
Cette énorme question reste longtemps suspendue dans l'hésitation. Il est certain que la Renaissance a bien compris les règles de représentation du sol pavé, carrelé régulièrement avec la règle de décroissance des intervalles. La construction d'Alberti donne, sur le bord du tableau, l'abaque de dessin du raccourci des carreaux au fur et à mesure qu'on s'éloigne du peintre.
Mais en général on se garde bien de prolonger le sol jusqu'à l'infini, jusqu'au point où toutes les fuyantes perpendiculaires au tableau convergeraient, qui d'ailleurs est le projeté de l'½il du peintre. On risquait de retomber sur deux contradictions, d'une part l'½il du peintre est à distance finie du tableau et ce même point serait à distance infinie de l'autre côté, d'où dissymétrie flagrante ; d'autre part on élimine le Divin du centre de l'univers et on le remplacerait par une nouvelle Transcendance, l'infini. D'ailleurs à la Renaissance, les peintres comme les savants ne se risquaient pas à affirmer que l'univers avait une taille infinie (on sait maintenant qu'il est en perpétuelle croissance) ; le peintre est en droit d'hésiter à remplacer Dieu par un concept peut-être physiquement faux.
Fort opportunément le plus souvent le rayon visuel de l'infini du carrelage est arrêté en cours de route par un personnage, un mur, une montagne, un bâtiment. Si la porte du bâtiment s'ouvre, le rayon visuel avance un peu mais cogne contre la paroi du fond du bâtiment. Plus tard on pourra remplacer le bâtiment par un arc de triomphe, une route continuera après l'arc, on pourra même placer deux arcs successifs, le second étant représenté dans le vide du premier, la route continuera imperturbablement, ses deux bords pourraient se rejoindre au centre du tableau, que faire ? Mais a-t-on vu une route aller jusqu'à l'infini ? À la rigueur on arrivera au bord de la mer, l'entité qui va aussi loin qu'on veut sera le plan de la mer qui, si la Terre est plate ou sphérique se traduira par la « droite d'horizon » sur le tableau, on esquivera le mystère de la figuration du point central à l'infini en représentant une frontière horizontale centrale qui délimite deux zones de couleurs peintes, la zone d'eau et celle de ciel.
Bien après la Renaissance, il reste l'artifice de placer un navire providentiel sur le point central, comme Claude Gellée qui y recourt dans Ulysse remet Chryséis à son père (v. 1644), ou d'y placer un soleil dans un halo éblouissant, ou encore, une brume où ciel et eau se mélangent, voir Pèlerinage à l'île de Cythère.