Michel Guerrin
La ministre de la culture est peut-être anachronique par rapport au paysage dominant, mais elle arrive dans un climat qui vise à sauver d'abord, à réfléchir ensuite, explique, dans sa chronique, Michel Guerrin, rédacteur en chef au « Monde ».
Publié hier à 10h47
Chronique
. Roselyne Bachelot surgit et la magie opère. Elle a beau être, à 73 ans, la plus âgée des vingt-cinq ministres de la culture qui se sont succédé, personne ne le lui reproche. Elle s'est retirée de la politique il y a huit ans, et ce n'est pas un problème. Elle fait la mariole aux « Grosses Têtes » de RTL et elle n'essuie aucun sarcasme. Dans ses goûts, elle est anachronique par rapport au paysage culturel dominant, très loin du numérique et de l'industrie du divertissement, et tout le monde s'en fiche.
Pour une raison simple. Roselyne Bachelot a été choisie pour jouer les urgentistes, déconfiner la culture et financer le secteur le plus touché, après le bâtiment, avec une perte de chiffre d'affaires de 22 milliards d'euros. Elle entend intensifier les réouvertures de lieux de spectacle et trouver des sous. Donc un milieu qui fait la quête préfère jouer les courtisans plutôt que de pinailler.
Il est vrai que, pour un job au temps compté, elle a des atouts. Elle est connue, populaire, incarne le poste, sait jouer des médias – tout le contraire d'une ribambelle de noms qui l'ont précédée. Ensuite, elle est « dingue » de culture, d'opéra d'abord, au point d'avoir déjà rêvé du poste en 2007, quand Sarkozy lui a attribué la santé. Il n'est pas courant de voir une personnalité politique au concert et pleurer d'émotion sans la cacher.
Le monde culturel pense aussi qu'avec son caractère trempé elle saura tenir tête à Emmanuel Macron, mais aussi à son épouse, Brigitte, si interventionnistes dans la culture qu'ils ont tétanisé les précédents ministres, notamment Franck Riester, parti avec l'image d'un écolier à qui le président fait la leçon.
Roselyne Bachelot est déjà offensive, estimant que les salles de spectacle ont trop de contraintes quand elle voit les Français s'agglutiner dans la rue, le métro ou un TGV. A contrario, en cas de malheur, c'est-à-dire de reconfinement, elle saura tenir le gouvernail.
Une autre époque