
Nul compositeur du XXe siècle n'a plus que Debussy, par sa modernité et ses audaces, changé notre manière d'entendre et de penser la musique. Musicien de la liberté, il développe dans les registres les plus variés une éloquence discrète et claire.

Claude Debussy par Nadar en 1905
Debussy avant Pelléas
Né le 22 août 1862 à Saint-Germain-en-Laye dans une famille modeste, Debussy entre à la fin de 1872 au Conservatoire de Paris et remporte le prix de Rome en 1884 avec l'Enfant prodigue. Il se rend à Bayreuth en 1888 et en 1889, année où il découvre Boris Godounov de Moussorgski et, à l'Exposition universelle, la musique d'Extrême-Orient. Après celle du Quatuor à cordes (1893), la première audition du Prélude à l'après-midi d'un faune (1894), d'après Mallarmé, marque la fin de sa période bohème. En 1893, il assiste à la création parisienne de la pièce Pelléas et Mélisande de Maeterlinck et décide d'en tirer un opéra. Il y travaillera dix ans, période au cours de laquelle naissent des chefs-d'œuvre comme les Trois Chansons de Bilitis d'après Pierre Louÿs (1897-1898), Pour le piano (1896-1901) ou encore les trois Nocturnes (Nuages, Fêtes, Sirènes) pour orchestre (1897-1899), qui triomphent aux concerts Lamoureux en 1900. Plus que les musiciens (tel Ernest Chausson), Debussy fréquente à cette époque peintres et écrivains.
les années de gloire
La création tumultueuse de Pelléas et Mélisande à l'Opéra-Comique (30 avr. 1902) marque dans la carrière de Debussy un tournant décisif. Il est désormais inexorablement exposé aux feux de la rampe, chef d'école malgré lui et créateur involontaire d'un « système », ce qui le conduit à railler, et même à maudire, les « debussystes ». En 1905 a lieu la première audition de la Mer et, de 1902 à 1908, il écrit une part importante de son œuvre pour piano : Estampes (1903), Masques et l'Isle joyeuse (1904), deux recueils d' Images (1905-1908), Children's Corner (1906-1908). Suivent les deux livres de douze Préludes chacun (1909-1912) et les Trois Images pour orchestre (1905-1912). Deux projets scéniques d'après Poe ne sont pas menés à terme, mais grâce aux Ballets russes sont créés, en 1911, le Martyre de saint Sébastien, d'après D'Annunzio, et, en 1913, Jeux, avec une chorégraphie de Nijinski. La Première Guerre mondiale éveille en Debussy des sentiments nationalistes violents. Il commence à signer ses œuvres, en particulier les trois Sonates de 1915-1917, « Claude Debussy, musicien français ». Les Douze Études pour piano et la suite En blanc et noir pour deux pianos datent de 1915. Il meurt le 26 mars 1918.
Modernité et audaces
D'emblée, Debussy se trouva lui-même : sa trajectoire est d'une remarquable unité. Il bouleversa en musique les notions de temps et d'espace. Au dynamisme dramatique issu de Beethoven, il oppose le statisme de ses formes ouvertes, fragments d'éternité sans commencement ni fin, et de ses harmonies non fonctionnelles, juxtapositions d'agrégats autonomes. Par-delà toute technique, Debussy se réclama des « concordances mystérieuses entre la nature et l'imagination ». Il fut un maître de l'osmose panthéiste, des paysages sans hommes, et dans Pelléas et Mélisande, dont les personnages apparaissent comme des silhouettes sans visage, on trouve à profusion ces mots, ces parfums et ces images -clarté, obscurité, mer, forêt, nuit, brume, ombre, vent, eau, soleil, lumière -, qui sa vie durant le frappèrent tant. Ses héritiers se nomment Varèse, Messiaen, Boulez.
Autres œuvres
Pour piano. Deux Arabesques (1888-1891), Petite Suite à 4 mains (1888-89), Suite bergamasque (1890-1905), Hommage à Haydn (1909), Six Épigraphes antiques à 4 mains (1914).
De musique de chambre. Danse sacrée et Danse profane pour harpe et cordes (1904), Syrinx pour flûte seule (1913), Sonates nº 1 pour violoncelle et piano (1915), nº 2 pour flûte, alto et harpe (1915), nº 3 pour violon et piano (1916-17).
Pour orchestre. Printemps (1887), Fantaisie pour piano et orchestre (1889-90), trois Images (Gigues, Iberia, Rondes de printemps) [1905-1912].
De musique vocale. Mélodies, dont Ariettes oubliées (1887), Cinq Poèmes de Baudelaire (1887-1889), Fêtes galantes I (1891-92), et II (1904). La Damoiselle élue (cantate, 1887-1903). Khamma (ballet, 1912).
Écrits. Ils ont été réunis en volume (Monsieur Croche, antidilettante, 1921).